AUDIENCE SOLENNELLE DE LA COUR DE CASSATION

DU 12 JANVIER 2015

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- Discours de Monsieur le premier président de la Cour de Cassation

- Discours de Monsieur le Procureur Général près de la Cour de Cassation

Nous pouvons analyser GRATUITEMENT et SANS AUCUN ENGAGEMENT vos griefs pour savoir s'ils sont susceptibles d'être recevables devant le parlement européen, la CEDH, le Haut Commissariat aux droits de l'homme, ou un autre organisme de règlement international de l'ONU. Contactez nous à fabre@fbls.net

Si vos griefs semblent recevables, pour augmenter réellement et concrètement vos chances, vous pouvez nous demander de vous assister pour rédiger votre requête, votre pétition ou votre communication individuelle.

Monsieur le premier Président s'inquiète du nombre de pourvois qui explosent devant la Cour de Cassation. Il ne prend pas en compte que ce fait est aussi dû aux exigences de la France devant la CEDH et le Haut Commissariat aux droits de l'Homme, pour que le requérant épuise toutes les voies de recours internes et souvent plusieurs fois. Il propose un renforcement du rôle des avocats aux conseils. Si leurs fonctions doivent être sauvegardées, il faudrait mieux instituer un comité de filtrage devant la Cour de Cassation notamment en matière pénale, comme il en existe un, devant les juridictions internationales.

Il propose la possibilité de faire appel d'une décision du tribunal de police. Je souscris à cette proposition pour ne pas surcharger la cour de Cassation qui a reçu en 2014, 30 000 pourvois.

Il pense constater que 80% des pourvois sont voués à l'échec. Mais c'est aussi parce que les pourvois sont mal examinés et que le contradictoire n'est pas toujours respecté. Ce fait augmente le sentiment d'injustice des français. Les juridictions internationales ont vidé leur prétoire d'un afflux de recours suite à des pourvois mal examinés, en motivant qu'elles ne peuvent pas interpréter la loi nationale.

Je suis d'accord avec le constat de manque de moyens de la justice et du fait que pour lutter contre la délinquance, il ne s'agit pas seulement de l'affaire des magistrats et de la police, mais aussi d'une société entière.

Monsieur le Procureur Général réclame une diminution du contradictoire devant la Cour de Cassation pour que son parquet soit libre de faire ce qu'il veut. Il s'appuie sur une opinion dissidente d'un juge de la CEDH, ami d'un ex Gouvernement de droite de l'époque, lors d'un grand arrêt de la CEDH qui impose pourtant la participation du justiciable à l'élaboration de l'arrêt de la Cour de Cassation.

Les réquisitions du parquet général sur l'affaire Total concernant le pétrole déversé sur les plages de Bretagne, ne sont pas là pour nous rassurer sur l'infaillibilité des réquisitions du parquet général.

Il réclame un procureur de la République complètement indépendant. Je souscris à cette demande à condition qu'il soit réellement légitime, responsable de ses actes et que le justiciable puisse faire un recours contre ses décisions. La question de la légitimité va se poser. Aux USA, ils sont élus parmi les avocats.

Monsieur le Procureur Général semble oublier l'autre face des conditions d'un procureur de la République indépendant, la légitimité et la responsabilité.

Frédéric Fabre

Audience solennelle de la Cour de cassation
marquant le début de l’année judiciaire

Allocution prononcée par M. Bertrand Louvel,

premier président de la Cour de cassation

- Lundi 12 janvier 2015 -

Monsieur le Premier ministre,

Madame la Vice-Présidente de l’Assemblée nationale,

Madame la Garde des Sceaux,

Mesdames, Messieurs,

L’actualité tragique que traverse notre pays modifie sensiblement l’approche de notre audience de rentrée consacrée traditionnellement à l’examen de l’activité de la Cour et aux perspectives qui s’ouvrent à elle.

Ce qui s’est passé, et l’incidence particulière que cela comporte pour l’autorité judiciaire en tant que gardienne des libertés, au premier rang desquelles la sécurité des personnes, la liberté d’expression et la liberté confessionnelle, occupe profondément et occupera durablement nos esprits.

La liberté pour chacun de vivre ses convictions et de les exprimer n’a cessé de grandir et de s’affirmer dans notre pays comme dans toutes les démocraties, comme le critère sûr des progrès des droits de l’homme dans leur ensemble. C’est pourquoi la sauvagerie des crimes des 7, 8 et 9 janvier, qui ont révélé à notre pays la gravité de la menace terroriste, heurte à l’extrême notre Etat de droit, dont la défense doit tant, la démonstration en a été faite, au courage, au professionnalisme et à l’esprit de sacrifice de nos forces de sécurité.

Dans ces circonstances, la Cour de cassation, associée de tout cœur à la douleur des proches des victimes par le profond mouvement de solidarité humaine et de proximité nationale et internationale que ces événements ont suscité, tient aussi, en tant que juridiction suprême de l’ordre judiciaire, à manifester sa présence aux côtés des autres institutions de la République pour la sauvegarde de l’Etat de droit.

Il ne s’agit pas là d’une vaine affirmation. En effet, ceci fait écho tragiquement à la décision adoptée en novembre dernier à Dakar par le bureau de l’Association des Hautes juridictions de cassation francophones. Celui-ci a décidé, à la demande de la Cour de cassation française présentée en liaison avec les Nations Unies, dont je salue la présence à cette audience du directeur exécutif du Comité contre le terrorisme, M. Jean-Paul Laborde, de mettre en place un programme de rapprochement des jurisprudences des Cours suprêmes francophones en matière de lutte contre le terrorisme, car l’action de la Justice en ce domaine, comme celle de toutes les autres institutions au service de l’humanité, ne peut être qu’internationale.

De la sorte, les Cours suprêmes de la Francophonie sont appelées à développer leur coopération en vue de dégager des standards communs tout à la fois pour la répression mais aussi pour la sauvegarde des droits de l’homme dans la lutte contre le terrorisme. Puisse cette initiative trouver son prolongement à travers d’autres réseaux judiciaires, en particulier en Europe.

Et qu’il me soit permis de saluer spécialement la présence à cette audience des nombreux représentants des Cours suprêmes de la Francophonie et de l’Europe, qui nous font l’amitié d’être à nos côtés dans ces circonstances où nous y sommes particulièrement sensibles.

On le voit, l’autorité judiciaire française n’est pas inactive sur un sujet aussi essentiel à l’évolution du monde.

Monsieur le Procureur général, vous avez la parole.

[…]

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais vous parler de la Cour de cassation en particulier, mais aussi plus généralement de l’autorité judiciaire dans son ensemble.

Les changements du monde n’épargnent pas la justice. La complexité et l’internationalisation croissantes du droit comme des contentieux invitent la Cour de cassation à s’interroger sur la place qu’elle occupe dans le paysage juridictionnel et sur les méthodes d’examen des pourvois qu’elle pratique. Vous l’avez indiqué, M. le Procureur général, des groupes de travail spécialement dédiés ont été constitués afin de réfléchir en complète liberté et transparence aux adaptations rendues nécessaires par ces changements.

Certaines sont directement à notre portée. Il en va ainsi des liens que la Cour souhaite établir ou renforcer avec des institutions dont le rôle est indissociable du sien, qu’il s’agisse d’instances nationales comme le Conseil d’Etat ou le Conseil constitutionnel, ou internationales comme la Cour de Strasbourg et celle de Luxembourg, ou encore des Cours suprêmes étrangères appelées à mettre en œuvre des textes d’inspiration commune.

Je suis très heureux de saluer la présence solidaire et encourageante de leurs représentants à cette audience.

Ces rapprochements devraient permettre de développer le champ des éléments d’appréciation dont notre Cour se nourrit pour traiter les procédures qui lui sont soumises.

En ce qui concerne le droit européen en particulier, elle devrait y parvenir en contribuant plus efficacement à donner son plein effet au principe de subsidiarité qui assure aux justiciables le bénéfice immédiat des libertés consacrées par les textes internationaux.

Il s’agit pour la Cour de cassation, dans cette perspective, de procéder elle-même, avec un degré de motivation adapté, aux pleins contrôles qu’implique l’application de la Convention européenne des droits de l’homme, sans attendre que la Cour de Strasbourg s’y investisse, dès lors que ces contrôles incombent en premier lieu aux juridictions nationales. Comment concevoir que l’intervention de la Cour suprême de l’ordre judiciaire dans un procès puisse ne pas être l’occasion d’un entier contrôle de la bonne application de la Convention européenne des droits de l’homme ? Comment concevoir que ce contrôle ne puisse être complet et efficient qu’une fois le procès sorti de l’ordre juridique interne ?

Chacun ressent bien comme une anomalie que des notions, qui sont juridiques parce qu’issues du droit européen, soient appréhendées ici comme du fait, ou même comme un mélange de droit et de fait, échappant au contrôle interne ultime de la Cour de cassation.

Au-delà de cette approche technique, on se plaît à relever qu’une telle évolution aurait pour effet d’améliorer les services rendus par notre Cour au plan national, en évitant au justiciable d’avoir à porter ses griefs au niveau européen.

Il est d’autres thèmes où l’adaptation de notre Cour aux évolutions de la pratique du droit doit aussi se manifester, mais où des évolutions législatives apparaissent utiles ou même parfois nécessaires.

Il en va ainsi pour la réduction du nombre des pourvois qui sont demeurés à un niveau trop élevé en 2014 au regard du taux de cassation (19 % de cassation en faisant la moyenne des matières civile et pénale).

Nous avons encore reçu près de 30 000 pourvois en 2014, soit environ un millier de plus qu’en 2013.

30 000 pourvois et 19 % de cassation. Plus de 80 % des pourvois voués à l’échec.

La première solution pour réduire le nombre des pourvois sans effet utile serait de rendre obligatoire le ministère d’avocat aux Conseils en matière pénale comme il l’est déjà en matière civile. La formation, la compétence, le professionnalisme des avocats aux Conseils les ont rendus inséparables de l’activité de la Cour de cassation, de la maîtrise de son contentieux et de la qualité de sa jurisprudence. Leur intervention obligatoire en matière pénale permettrait à la chambre criminelle de mieux se consacrer à sa mission essentielle qui est de dire le droit dans le domaine si sensible, ainsi qu’en témoignent les circonstances que nous traversons, du droit pénal et de la procédure pénale.

Agirait dans le même sens l’extension du droit d’appel en matière contraventionnelle. Est-il normal que les justiciables des infractions les moins graves soient obligés de saisir directement de leur recours la Cour de cassation elle-même, et soient ainsi privés de leur juge naturel qui est la cour d’appel ?

Enfin, faut-il rappeler l’attente très forte de notre Cour, vous y avez insisté, M. le Procureur général, à l’égard d’une réforme constitutionnelle qui alignerait les conditions de nomination des membres de notre parquet général sur celles des magistrats du siège, c’est à dire par un Conseil supérieur de la magistrature où la variété des composantes et des origines neutralise pressions et influences à la source même des choix à opérer.

Ce changement statutaire, inscrit dans le marbre de notre Constitution et s’imposant ainsi à titre définitif et non circonstanciel, permettrait de consacrer pleinement la qualité des travaux de nos collègues du parquet général et le développement de leur contribution à l’activité de la Cour. On ne saurait en effet s’installer durablement dans une situation où on continuerait de se priver d’une partie des potentialités considérables offertes par notre parquet général.

D’ores et déjà, et sans attendre l’évolution constitutionnelle tant souhaitée, nos collègues du parquet général offrent toute la ressource d’une interface idéale et indispensable à l’ouverture de notre Cour en direction de tous les secteurs de la société. De la sorte, ils peuvent contribuer de manière essentielle à l’information pluridisciplinaire des chambres en amont de leurs arrêts dont la portée doit être évaluée dans tous les champs de leurs incidences, juridiques et extra-juridiques, en procédant aux recherches qu’une Cour suprême de notre siècle doit nécessairement effectuer avant de dire le droit applicable à tous dans une société toujours plus complexe et évolutive.

Ces développements sur le parquet général m’amènent à évoquer l’autorité judiciaire dans son ensemble, en commençant par l’institution qui est à sa tête, le Conseil supérieur de la magistrature. Ce Conseil est dans l’actualité puisque le mandat de quatre ans de ses membres s’achève ce mois-ci et qu’un nouveau Conseil va entrer en fonction. Qu’il me soit permis à mon tour, en écho aux propos de M. le Procureur général, d’exprimer au Conseil supérieur de la magistrature et à son secrétariat général qui vont cesser leurs fonctions, en ma qualité de président de la formation plénière et de la formation du siège du Conseil, la gratitude de l’institution pour l’ampleur de la tâche accomplie.

Il lui est revenu en particulier de mettre en œuvre la réforme ayant permis aux justiciables de se plaindre directement auprès du Conseil du comportement d’un magistrat. Le Conseil a reçu près de 1300 de ces plaintes en quatre ans. La question qui était posée par la réforme était celle du quadrillage, suffisant ou non, de la déontologie des magistrats par les anciennes autorités de saisine du Conseil supérieur de la magistrature en matière disciplinaire que sont le ministre et les chefs de cour.

Or, il s’avère qu’aucune des plaintes directes des justiciables n’a donné lieu à sanction disciplinaire par le Conseil supérieur de la magistrature sortant. Le corporatisme n’en est pas l’explication comme l’idée pourrait en venir à certains. La loi a prévu cet écueil en effet en disposant que la commission d’admission des requêtes est composée de quatre membres, deux magistrats et deux non magistrats, et qu’en cas de partage égal des voix, le magistrat objet de la plainte est renvoyé devant le Conseil supérieur de la magistrature.

La véritable explication de l’insuccès de cette nouvelle formule réside en réalité dans la confusion qui s’est installée dans l’esprit de nombreux plaignants entre la voie de recours ouverte contre une décision qui déplaît et la plainte contre un magistrat qui manque à ses devoirs.

En dépit de cette méprise, le contrôle disciplinaire des magistrats demeure efficient et efficace. J’en veux pour preuve les 39 décisions rendues durant sa mandature par le Conseil sortant, ce qui montre que l’on est bien loin de l’impunité parfois alléguée avec légèreté.

Ce constat nous renvoie à la question grave et récurrente de la méconnaissance de l’institution judiciaire par nos concitoyens. Pour un grand nombre d’entre eux, elle reste une administration ministérielle suspecte d’influence et de partialité. Ceci explique pour une bonne part le climat de critique et de pressions sociales dans lequel les juges sont souvent amenés à remplir leurs fonctions.

Le Conseil supérieur de la magistrature sortant a rendu sur ce point un avis majeur en réponse à une question que lui a posée le garde des sceaux.

Ce Conseil a expressément invité les chefs de cour et de juridiction à ne pas laisser seuls face à la critique publique injustifiée des magistrats qui ne sont pas en situation de se défendre, et il a précisé que l’aptitude à exercer cette défense serait un critère du choix des premiers responsables des cours et tribunaux.

Ceci me conduit à évoquer plus généralement le rôle des chefs de cour dans la défense de l’institution judiciaire et de son image afin qu’elles ne souffrent pas de mises en cause sans fondement.

Les chefs de cour sont aujourd’hui confrontés à la difficulté de gérer une double crise, matérielle et morale.

Les difficultés économiques que notre pays traverse ont provoqué dans les juridictions une pénurie en personnels et en moyens matériels telle qu’elles sont aujourd’hui exposées de manière inédite à la nécessité d’établir des priorités dans le traitement des contentieux. Les premiers présidents des cours d’appel réunis le 16 décembre dernier ont dénoncé cette situation dans une délibération on ne peut plus préoccupante. Je tiens à donner écho ici à ses termes les plus marquants :

« La conférence des premiers présidents appelle l’attention des autorités de l’Etat sur la situation critique des juridictions de première instance et d’appel, qui ne sont plus en mesure de faire face dans des conditions satisfaisantes au traitement des contentieux qui leur sont soumis...

Les priorités de traitement mises en œuvre par les chefs de cour et de juridiction, aussi nécessaires soient elles, conduisent à ce que nombre de contentieux ne sont plus traités dans des délais raisonnables. »

Au-delà de ses aspects institutionnels et de la question de l’autonomie budgétaire de l’institution judiciaire qu’elle pose à nouveau, une telle situation ne peut qu’aggraver la crise morale qu’éprouve la magistrature.

Cette crise morale tient essentiellement à ce que la justice est appelée à intervenir à l’aboutissement de tous les échecs sociaux dont elle se trouve ainsi souvent désignée comme le responsable inapte à y porter remède, et ceci dans un contexte d’amplification médiatique et de communication sociale sans précédent.

La question du développement de la délinquance de violences, en particulier chez des mineurs de plus en plus jeunes, est à cet égard symptomatique. Pour beaucoup, le laxisme de la justice expliquerait la dérive de cette délinquance. Mais, pourquoi la justice, qui remplit des prisons déjà surpeuplées, devrait-elle répondre de la dilution de l’institution familiale et de l’encadrement d’une jeunesse confrontée par ailleurs à un taux d’inactivité sans précédent ?

Tous les sociologues sérieux conviennent de l’effet déterminant sur la délinquance de ces désordres communs aux sociétés modernes et il est illusoire d’imaginer que la justice puisse y remédier sans un accompagnement de toutes les structures sociales et de tous les acteurs de la vie quotidienne, à commencer par la cellule familiale, ce qui interpelle directement nos concitoyens eux-mêmes et pas seulement les responsables publics.

Mais les idées sommaires ne peuvent qu’être encouragées par les discours qui présentent la justice comme le maillon ultime de la chaîne pénale, et partant comme son maillon faible, entretenant ainsi le sentiment d’un laxisme judiciaire dans l’opinion publique.

Le juge n’a pas à être un maillon fort ou faible. Il agit dans le respect des règles qui gouvernent sa mission. Placé à la rencontre d’intérêts contraires entre lesquels il doit arbitrer, il lui revient de dire le droit, avec pour seul guide la défense des libertés, dont la sauvegarde lui est confiée, en tenant compte des intérêts de la société qui accuse, de ceux de la victime qui demande réparation, et des droits de l’accusé qui se défend. C’est de la confrontation de ces enjeux, par essence contradictoires, que naît la décision du juge, éclairée par sa science du droit, sa déontologie, son sens de l’équité et sa connaissance de la société. Le juge démontre ainsi son impartialité à l’égard de tous, y compris l’autorité de poursuite. Il est, en cela, le garant de notre Etat de droit.

Certes, les juges portent des appréciations humaines nécessairement sujettes à discussion, et c’est pourquoi existent des voies de recours. Ces recours offrent la garantie, au bout de la chaîne judiciaire, d’une décision qui, à force de critiques et de débats contradictoires, a tout de même quelque chance d’exprimer en fin de compte un point de vue collectif juridiquement fondé et socialement acceptable.

La maturation de la décision de justice représentative du peuple français au nom duquel elle est rendue, fait la difficulté créative de la fonction judiciaire, naturellement exposée aux commentaires en tous sens. Celles et ceux qui choisissent de l’exercer doivent aussi se préparer à cette réalité qui n’est pas celle d’une existence tranquille et protégée.

Or, précisément, la fonction judiciaire, dans le contexte psychologique et social difficile que je viens de décrire, continue d’attirer les volontaires, et c’est un grand signe d’espoir, parmi notre jeunesse. Les candidats admis à se présenter aux concours d’entrée à l’Ecole nationale de la magistrature en 2014 ont été de 50 % plus nombreux qu’en 2010.

Au-delà des efforts de la direction de l’Ecole, que je salue chaleureusement, pour atteindre ce résultat, il y a là la marque d’une confiance toujours vive qui unit notre jeunesse, notre université et notre magistrature.

C’est sur cette marque d’espoir que je souhaite terminer mon propos, en faisant droit à vos réquisitions, M. le Procureur général, et en déclarant ainsi ouverte sur les promesses de l’avenir l’année judiciaire 2015.

M. le Procureur Général, souhaitez-vous reprendre la parole ?

Mesdames et Messieurs, la Cour avait prévu de clôturer cette audience par un cocktail. Vous comprendrez que les circonstances nous aient conduits à ne pas le maintenir.

C’est pourquoi, après avoir reconduit M. le Premier ministre et les personnalités qui l’entourent, M. le Procureur général et moi-même nous tiendrons seulement à votre disposition pour vous saluer, si vous le voulez bien, dans la salle des délibérés attenante à cette Grand’chambre.

L’audience solennelle est levée.

Audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation

Discours prononcé par Monsieur Jean-Claude MARIN

Procureur Général

Le Lundi 12 janvier 2015

Monsieur le Premier Président, vos propos témoignent de l’émotion et du sentiment de l’ensemble des magistrats et des fonctionnaires de notre Cour ainsi que des membres de l’ordre des avocats aux Conseil d’Etat et à la Cour de cassation.

Notre démocratie, notre République est légitimement bouleversée devant toutes ces victimes unies dans un même destin terrible et macabre par ce qu’ils étaient, tous, les symboles de nos valeurs.

Liberté de pensée et liberté d’expression d’abord que l’on veut punir et bâillonner au nom usurpé d’un prophète pour tenter d’habiller un obscurantisme absurde et criminel.

Certains sont en effet morts parce qu’ils portaient haut et fort la bannière de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui proclame, je cite, que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme… ».

« Les chiens de garde de la démocratie », selon l’expression employée par la Cour européenne des droits de l’homme dans un de ses arrêts, ont payé de leur vie leur vigilance sur le respect de nos principes républicains de liberté.

Mais notre République, notre Démocratie est aussi atteinte au cœur par ces morts dans l’exercice de leur mission de protection de nos concitoyens et de garantie de la paix civile, parce qu’ils étaient les représentants visibles d’un Etat où la force illégitime et la violence ravalent leur superbe devant la loi et le droit.

Les autres victimes sont aussi celles dont le sort bafoue nos valeurs les plus essentielles, droit à la vie, laïcité, tolérance, liberté d’opinion et de religion.

En effet, et c’est ici, à la Cour de cassation qu’il faut le réaffirmer. Contre ceux qui commettent de tels actes innommables, quels que soient les sentiments de répulsion voire de vengeance qu’ils peuvent susciter, seules la Loi et la Justice sont les armes dignes de notre Etat de droit, et c’est avec celles-là et celles-là seules qu’ils doivent être combattus.

Alors totale sera leur défaite et complète la victoire de la Démocratie.

Hier, notre belle devise de Liberté, d’Égalité et de Fraternité a été portée haut et fort non seulement par les citoyens de France mais aussi par tous ceux qui, de par le monde, se reconnaissent dans ces belles valeurs humanistes.

Monsieur le Premier Ministre, au cœur de cette tempête qui requiert toute votre disponibilité, et à vos cotés Madame la vice-Présidente de l’Assemblée nationale et Madame la Garde des Sceaux, mais aussi tant de personnalités de France, d’Europe et du monde entier, vous venez, ici, où le droit et la protection des libertés sont la raison d’être.

C’est évidemment un signe pour tous nos concitoyens.

Aussi compte tenu de ces circonstances limiterai-je mon propos à ce qui me paraît être l’essentiel.

Dans un monde qui s’interroge et au moment même où le recours au droit s’avère cardinal, comment laisser les institutions, et, tout particulièrement, l’institution judiciaire, hors du champ d’une réflexion sur l’exercice de sa fonction de régulateur social en y procédant à la fois par la voie intimiste de l’introspection et par l’interpellation que constituent le jugement et le regard des autres ?

Au cœur de tous les grands débats qui agitent et ébranlent les fondements de notre vision de la société et des normes qui l’organisent, la Cour de cassation est éminemment concernée par ce mouvement.

Elle doit le faire en s’interrogeant sur sa place dans le concert des juridictions suprêmes nationales et européennes en veillant à ce que, cinq siècles après l’Ordonnance du 25 août 1539 ses arrêts, je cite, « …soient faits et écrits si clairement, qu’il n’y ait ni puisse avoir aucune ambiguïté ou incertitude ni lieu à demander interprétation. ».

En un mot, la Cour, dans toutes ses composantes, remplit-elle bien sa fonction à la fois originelle et moderne en délivrant, par ses décisions, une lecture intelligible et compréhensible de la norme juridique concernée ou critiquée.

Cette interrogation, qui n’est pas ou ne devrait pas être nouvelle, s’impose d’autant plus que le nombre de normes s’est considérablement accru, que les acteurs nationaux ou internationaux de l’interprétation du droit se sont multiplié et que le juge suprême d’un ordre de juridictions doit aussi prendre l’habit de l’acteur d’un dialogue complexe entre les juges et les magistrats nationaux ou internationaux.

Le nombre de normes s’est non seulement accru mais, dans le même temps, la qualité de la loi s’est affaiblie rendant plus importante la mission d’interprétation confiée à l’autorité judiciaire.

En cela, s’impose le constat du Professeur Xavier LAGARDE pour qui l’abondance de normes, au lieu de mieux encadrer l’office du juge, en amplifie le rôle d’autant que, par ailleurs, ce dernier doit s’interroger sur l’applicabilité de textes de valeur normative supérieure qu’ils soient d’essence nationale ou supranationale.

Contrôle de conventionalité qui permet d’écarter l’application de la loi dans le litige, primauté et effet direct du droit de l’Union, jurisprudence du Conseil Constitutionnel qui a une autorité absolue, cette multiplication des sources appelle un dialogue des juges et nous savons que ce dialogue peut parfois être compliqué par la difficile articulation entre les divers contrôles de fondamentalité.

Ainsi, l’interprétation différente de la portée et du périmètre de la règle non bis in idem par les juridictions nationales et les juridictions européennes offre un premier exemple de cette difficulté.

Un autre exemple nous est fourni par l’actualité récente.

Le dialogue entre le juge national et les juges européens, voire entre les juges européens entre eux, n’est en effet pas toujours aisé et éclairant.

Ainsi, en ce qui concerne la protection des droits fondamentaux, le juge national agit sous le double regard de la Cour européenne des droit de l’homme, qui lui demande d’appliquer la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, et de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui interprète de manière impérative la charte européenne des droits fondamentaux.

Or, l’avis rendu le 18 décembre 2014 par lequel cette dernière a jugé que l’accord d’adhésion de l’Union Européenne à la Convention de sauvegarde n’est pas compatible avec le droit de l’Union ne va pas faciliter la tâche des juges nationaux.

Une lecture sans doute trop rapide de l’article 6 du traité sur l’Union Européenne (TUE) selon lequel l’Union adhère à la convention de sauvegarde avait peut-être fait oublier que le protocole n° 8 précise que le traité d’adhésion doit, je cite, « refléter la nécessité de préserver les caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union ».

La Cour de Justice de l’Union a donc constaté que l’accord d’adhésion n’a prévu aucune disposition pour assurer la coordination entre les niveaux de protection conférés respectivement par la Charte des droits fondamentaux de l’Union et par la Convention de sauvegarde.

Elle a également remarqué que l’accord d’adhésion aurait pour effet d’autoriser la CEDH à se prononcer sur la conformité à la Convention de certains actes relevant de la Politique extérieure et sécurité commune dite PESC alors que la Cour de Justice de l’Union n’a pas elle-même compétence pour contrôler la légalité de ces actes, l’adhésion ayant pour effet de transférer de facto ce contrôle à un organe extérieur à l’Union.

On le voit, la coordination des contrôles de conformité à la Convention de sauvegarde, d’une part, et à la Charte des droits fondamentaux d’autre part, n’est pas chose facile et le juge national ne risque-t-il pas, en interprétant une norme de son droit national, de recueillir la bénédiction de Luxembourg et de subir les foudres de Strasbourg ou inversement ?

Ces difficultés ne peuvent qu’inciter les juges nationaux à développer et approfondir le dialogue avec les cours européennes afin de parvenir à une interprétation harmonieuse des normes protectrices des droits fondamentaux des citoyens mais aussi avec les juridictions nationales soumises aux mêmes exigences.

Le parquet général de la Cour de cassation, doit, par ses avis et conclusions, participer à ce dialogue et proposer à chacune des chambres des voies d’harmonisation propres à éliminer ces tensions.

Par ailleurs, dans un monde où le droit mou s’insinue dans notre tradition de droit dur, la lisibilité et la prévisibilité de l’application des normes, qu’elles soient nationales ou internationales et notamment européennes, autrement dit les termes de la sécurité juridique et de la confiance légitime que doivent avoir les citoyens dans leurs institutions sont plus que jamais des sujets qui non seulement intéressent les relations interpersonnelles et inter institutionnelles mais sont des marqueurs pertinents de la réalité d’un État de droit et donc de l’attractivité d’un pays ou d’un système

Vous avez dès votre arrivée, Monsieur le Premier Président, et vous allez en parler dans un instant, lancé une vaste réflexion sur l’ensemble de ces thèmes : filtrage des pourvois, intensité du contrôle, place du parquet général, dialogue avec les autres institutions nationales ou européennes.

Vous le savez, le parquet général tout entier est à vos côtés et aux côtés des magistrats du siège et des avocats aux Conseils dans cet immense travail salutaire de réflexion sur nos méthodes de travail et notre place dans le concert des juridictions.

Cette réflexion a montré, dès le début, l’actualité, ici, de l’injonction socratique du connaît-toi toi-même tant au fil des premiers travaux s’est révélée l’existence de règles internes particulières, de modalités de fonctionnement ou de réalités inconnues des uns ou des autres.

Cette entreprise est essentielle et suscite de nombreuses attentes.

S’agissant du parquet général, son effort portera aussi sur l’actualité de l’opinion dissidente émise, en mars 1998, par le juge de Meyer dans l’affaire Reinhart et Slimane Kaïd contre France s’agissant de la critique, au nom de l’égalité des armes et du procès équitable, de la communication, en vue de l’audience, aux avocats généraux du rapport et du projet d’arrêt établis par le conseiller rapporteur. Cette opinion était ainsi exprimée et je cite :

« Quel mal y a-t-il à tout cela ? En quoi cela porterait-il atteinte au caractère équitable du procès ? Les magistrats du parquet de la Cour de cassation ne sont-ils pas, aussi bien que ceux du siège, et notamment les conseillers rapporteurs, indépendants, impartiaux et objectifs, en droit et en fait ? » ce même juge poursuivant ainsi… « Le fait qu’ils se les communiquent mutuellement avant l’audience, sans en faire part aux parties, ne porte en aucune manière atteinte au caractère équitable de la procédure ».

Comment ne pas penser aux motifs figurant dans le considérant 34 de la décision Marc Antoine contre France rendu 15 ans plus tard par la 5ème section de la Cour de Strasbourg sur la communication du projet de décision au rapporteur public ?

Et je souhaiterais, à cet instant précis, réaffirmer que, si le parquet général de la Cour de cassation espère voir un jour consacré le principe du choix de ses membres par le Conseil supérieur de la Magistrature, comme le sont les membres du siège de notre Cour, cette importante question statutaire ne doit pas être perçue comme un préalable incontournable à toute évolution de son rôle au sein de notre Cour.

En effet, dès lors que les deux derniers gardes des sceaux se sont engagés à respecter les avis émis par la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour les magistrats du parquet, dont l’avis devient, de facto, un avis conforme, le processus de nomination apparaît en l’état au moins équivalent à celui de plus de 80% des magistrats du siège nommés sur proposition du Garde des Sceaux et dont l’indépendance et l’impartialité ne saurait faire débat.

Mais, le parquet général a confiance dans le processus, nécessairement long, que vous avez mis en place, Monsieur le Premier Président, et nous travaillerons ensemble à cette recherche d’un meilleur fonctionnement de notre Cour.

Je voudrais maintenant m’arrêter un instant sur le Conseil Supérieur de la Magistrature dont de nombreux membres sont présents aujourd’hui qu’ils finissent leur mandat ou qu’ils s’apprêtent à l’entamer.

Issu des réformes constitutionnelles et organiques de 2008 et 2010, le Conseil supérieur de la Magistrature qui a, dans ce nouveau cadre institutionnel, tenu sa première réunion au début du mois de février 2011, a su donner une image forte de cette institution en se dotant d’une doctrine et de protocoles de fonctionnement propres à lui conférer une indépendance et une impartialité reconnues.

Élaborant, avec l’engagement précieux de la Garde des Sceaux, des règles assurant une totale transparence, quels que soient les postes concernés, ce Conseil a su, je crois, gagner la confiance des magistrats et celle de nos concitoyens.

Les membres, magistrats, qui sont minoritaires, et non magistrats, majoritaires, les laïcs, comme disent nos amis italiens, ont réalisé un travail considérable dans le respect de la liberté de parole et d’opinion de chacun, que certains commentateurs ont voulu récemment ternir, respect et liberté qui ont contribués à la qualité des décisions et avis rendus.

Nominations, discipline, plainte des justiciables, toutes les prérogatives du Conseil ont ainsi été mises en œuvre dans le souci d’élaborer, au fil de ces quatre années du mandat qui s’achève, des règles propres à assurer la lisibilité et la prévisibilité que tous sont en droit d’attendre.

Ce travail n’a pu se faire sans la compétence, le dynamisme et la ténacité du secrétaire général du Conseil et de tous ses collaborateurs qui doivent évidemment être associés à cet hommage.

Qu’ils en soient ici remerciés.

Quant aux membres nouveaux qui vont prendre leurs fonctions dans quelques semaines, je leur souhaite la bienvenue par anticipation.

Tout n’est pas parfait et certaines critiques légitimes méritent qu’on s’y arrête.

Il reste en effet beaucoup à faire, notamment dans le champ du statut des magistrats, particulièrement du Ministère public, en espérant que viendra bientôt un temps où les stratégies céderont devant le constat d’un consensus sur la nécessité d’une réforme constitutionnelle indispensable pour la Justice de notre pays, réforme qui devra aussi porter sur la place, les compétences et le fonctionnement du Conseil.

Enfin je voudrais terminer en m’adressant aux magistrats du Ministère public.

Certes, le procureur général de la Cour de cassation n’est pas membre de la chaîne hiérarchique qui va des parquets à la Chancellerie. Mais il me semble légitime qu’à cet instant précis, je m’adresse à eux.

Les membres du Ministère public s’interrogent aujourd’hui sur leur statut, leur rôle, leur avenir alors qu’ils sont aux postes les plus avancés de la représentation de l’autorité judiciaire et de l’action de la justice en matière pénale, commerciale et citoyenne avec, pour corolaires, des contraintes et des astreintes de plus en plus lourdes.

Ces questionnements n’altèrent en rien l’implication de nos parquetiers, préparés à ces défis par notre Ecole Nationale de la Magistrature.

Ils ont cependant une conséquence que le Conseil supérieur de la Magistrature n’a pas manqué d’observer en constatant une certaine désaffection pour les postes du parquet, non à raison de la nature des fonctions mais essentiellement eu égard à la pesanteur des contraintes.

Il ne s’agit pas ici d’envisager l’ensemble des réponses qu’appelle une telle situation.

Certaines d’entre elles existent déjà : les membres du Ministère Public sont des magistrats à part entière et protégés en tant que tels sous le contrôle du Conseil Supérieur de la Magistrature, organe constitutionnel unique à l’image du corps judiciaire.

Le malaise vient aussi parfois d’un malentendu.

La lecture parfois trop rapide de décisions rendues, notamment par la Cour de Strasbourg, ou de commentaires qu’elles provoquent fait naître le sentiment que leur qualité de membre de l’autorité judiciaire serait contestée voire ne serait pas reconnue.

Or, s’agissant de la CEDH, ce n’est pas le sens, à mon avis, qu’il faut donner à certains considérants de décisions qui dénient aux membres du ministère public français la seule qualité de juge au sens de l’article 5 § 3 de la Convention, ce qui ne saurait être critiqué.

Une partie des difficultés, liée au poids des fonctions et des astreintes y afférentes, peuvent et doivent trouver une réponse par une meilleure allocation, par la Chancellerie, de moyens humains, et pas nécessairement en magistrats, mais aussi par une gestion de l’ensemble des ressources humaines plus rigoureuse, notamment en termes d’organisation des services et d’affectation des profils.

Mais, je sais qu’il est des parquets où tout a été tenté en ce domaine et que les limites des outils de gestion des ressources tant humaines que matérielles ont été atteintes.

Ce constat a, bien sûr, été fait par la commission présidée par M Jean-Louis Nadal dans son rapport sur la refondation du Ministère Public.

Autre réponse qui devra intervenir et qui pèse sur les magistrats des parquets : la direction de l’activité de police judiciaire proclamée par l’article 12 du code de procédure pénale.

Des entretiens qu’a le CSM avec les magistrats proposés à des fonctions de chefs de cour ou de parquet, il ressort que cette direction recèle aujourd’hui des paradoxes.

D’un côté, les magistrats sont de plus en plus en relation avec des femmes et des hommes totalement investis dans leurs missions mais dont les cadres intermédiaires ou supérieurs se sont parfois, sauf dans les services spécialisés, retirés des fonctions d’enquêtes. Dès lors le parquetier devient l’enquêteur en chef et non le chef de l’enquête judiciaire.

D’un autre côté, ces magistrats s’interrogent dans le même temps sur la réalité de leur maitrise sur la direction des enquêtes judiciaires.

D’autres causes de cette morosité sont connues : explosion du traitement téléphonique, de la réponse pénale non maitrisée, des missions hors du cœur de métier et bien d’autres encore qu’il n’est pas possible d’évoquer ici.

Certes, la réforme statutaire tant attendue doit aussi jouer un rôle essentiel le jour où elle sera rendue possible. J’en ai parlé il y a un instant.

Ce ne peut être la seule réponse aux attentes des parquets.

D’abord par circulaire volontariste puis par la loi du 25 juillet 2013, il a été mis fin aux pouvoirs que le Garde des Sceaux tenait de l’article 30 du code de procédure pénale de donner des instructions de poursuites écrites, motivées et versées au dossier dans des procédures particulières.

Si le signal donné d’un retrait de l’exécutif de la conduite des procédures individuelles est un signal fort, la conséquence négative, mécaniquement induite par ce renoncement, est la disparition du fédérateur, au niveau national, de l’action publique.

Or un instrument de cohésion de l’action publique est indispensable et ne saurait être confié à la conférence des 36 procureurs généraux ou à tout autre organe, sans un débat institutionnel de fond.

Le temps n’est-il pas venu de rompre complètement le lien entre Ministère public et pouvoir exécutif en instituant un Procureur de la République française, responsable du Ministère public national et de son action, à l’image de ce parquet européen indépendant de l’exécutif communautaire que dessine l’article 86 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne ?

Alors serait parachevée l’œuvre que vous avez entreprise, Madame le Garde des Sceaux et confirmé le principe fondamental qui est que l’indépendance du Ministère Public ne signifie ni atomisation ni disparition du lien hiérarchique.

Je requiers qu’il plaise à la Cour constater qu’il a été satisfait aux prescriptions du code de l’organisation judiciaire, me donner acte de ces réquisitions et dire que du tout il sera dressé procès-verbal pour être versé au rang des minutes du greffe.

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