DROIT AU MARIAGE

ARTICLE 12 DE LA CONVENTION

Pour plus de sécurité, FBLS droit au mariage est sur https://www.fbls.net/12.htm

" Les Etats ont un pouvoir d'appréciation large sur le droit au mariage"
Frédéric Fabre docteur en droit.

ARTICLE 12 DE LA CONVENTION

"A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit"

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- LES HOMOSEXUELS N'ONT PAS DROIT AU MARIAGE MAIS A UNE UNION COMPENSATOIRE

- LES OBLIGATIONS FINANCIERES ET DE CERTIFICATS POUR AUTORISER LE MARIAGE D'ETRANGERS

- L'INTERDICTION DE SE REMARIER APRÈS UN DIVORCE.

- L'INTERDICTION DE SE MARIER POUR LES PERSONNES EN CURATELLE

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LES HOMOSEXUELS N'ONT PAS DROIT AU MARIAGE

MAIS A UNE UNION COMPENSATOIRE

Fedotova et autres c. Russie du 13 juillet 2021 requête no 40792/10

Art 8 : La Russie n'a pas justifié l'absence de toute possibilité pour les couples de même sexe de faire reconnaître officiellement leur relation

L’affaire concerne le refus d'enregistrer les déclarations de mariage des requérants, qui sont des couples de même sexe. La Cour estime que la Russie a l'obligation d'assurer le respect de la vie privée et familiale des requérants en leur fournissant un cadre juridique leur permettant de faire reconnaître et protéger leurs relations dans le droit interne. L'absence de toute possibilité pour les couples de même sexe de faire reconnaître officiellement leur relation crée un conflit entre la réalité sociale des requérants et la loi. La Cour rejette l'argument du gouvernement selon lequel les intérêts de la société dans son ensemble peuvent justifier l'absence de possibilité pour les couples de même sexe d'officialiser leur relation. Elle estime qu'en refusant aux couples homosexuels l'accès à la reconnaissance officielle de leur statut, les autorités russes ont outrepassé le pouvoir discrétionnaire (marge d'appréciation) dont elles disposent. La Cour précise que le choix de la forme la plus appropriée d'enregistrement des unions homosexuelles reste à la discrétion de l'État défendeur.

FAITS

Les requérants, Irina Fedotova, Irina Shipitko, Dmitriy Chunosov,

Yaroslav Yevtushenko, Ilmira Shaykhraznova et Yelena Yakovleva, sont des ressortissants russes nés entre 1977 et 1994. Ils vivent dans différentes régions de la Fédération de Russie, au Luxembourg et en Allemagne. Il s'agit de trois couples de même sexe. À différentes dates, les requérants ont notifié leur intention de se marier auprès de leur bureau d'état civil local en Russie. Leurs demandes ont été rejetées. Les requérants ont contesté ces décisions devant les tribunaux. Mme Fedotova et Mme Shipitko ont fait valoir devant le tribunal du district de Tverskoy à Moscou que le refus d'accepter leur notification de mariage avait violé leurs droits en vertu de la Constitution et de la Convention. Leur demande a été rejetée car, entre autres, le tribunal a estimé que le mariage devait réunir le « consentement volontaire d'un homme et d'une femme » et que ni la Constitution ni le droit international n'imposaient d'obligations en matière de mariage entre personnes de même sexe. Cette décision a été confirmée en appel.

MM. Chunusov et Yevtushenko ont présenté des arguments similaires devant le tribunal municipal de Gryazi, dans la région de Lipetsk. Le tribunal a déterminé que le bureau d'enregistrement n'avait pas examiné la demande illégalement, car en vertu de la loi russe, chaque notification d'intention de se marier devait être examinée individuellement. Il a toutefois estimé qu'en vertu de la Constitution et de la jurisprudence russe, il n'existait pas de droit au mariage entre personnes de même sexe, ni de droit garanti par la Convention. Cette décision a été confirmée en appel, les requérants se voyant refuser l'autorisation de se pourvoir en cassation.

Mme Shaykhraznova et Mme Yakovleva ont également présenté des arguments similaires devant le tribunal municipal de Gryazi. Le tribunal a estimé que le bureau d'enregistrement avait examiné individuellement la déclaration des requérants, le raisonnement étant sensiblement le même que dans le cas de M. Chunusov et M. Yevtushenko. Cette décision a été confirmée en appel et à la suite d'un pourvoi en cassation.

ARTICLE 8

La Cour rappelle que l'article 8 n'impose pas explicitement aux États l'obligation de reconnaître formellement les unions entre personnes de même sexe. Toutefois, il implique la nécessité de trouver un juste équilibre entre les intérêts concurrents des couples de même sexe et ceux de la société dans son ensemble. Il existe également une obligation positive de mettre en place un cadre juridique garantissant la jouissance effective des droits consacrés par l'article 8. La Cour note, en particulier, l'impact sur un individu lorsqu'il existe une discordance entre le droit et la réalité sociale, comme dans ce cas. En ce qui concerne les couples de même sexe, la Cour réitère qu'ils sont tout aussi capables que les couples de sexe différent de s'engager dans une relation, avec un besoin de reconnaissance formelle et de protection de leur relation. Il incombe aux États de prendre cela en compte et de trouver un équilibre entre leurs besoins et ceux de la société dans son ensemble. La Cour estime que rien ne justifie que les requérants ne soient pas en mesure de donner une assise juridique à leur union. En particulier, concernant l'argument selon lequel une majorité de Russes désapprouve les unions entre personnes de même sexe, la Cour rappelle que l'accès aux droits pour une minorité ne peut dépendre de l'acceptation de la majorité. La Cour réaffirme en outre que le fait de donner aux requérants l'accès à la reconnaissance officielle du statut de leur couple sous une forme autre que le mariage ne serait pas en conflit avec la « conception traditionnelle du mariage » prévalant en Russie, ni avec les opinions de la majorité auxquelles le Gouvernement se réfère, puisque ces opinions ne s'opposent qu'aux mariages entre personnes de même sexe, et non à d'autres formes de reconnaissance juridique.

En conséquence, la Cour estime que la Russie a manqué à ses obligations au titre de l'article 8, entraînant une violation de la Convention.

CHAPIN et CHARPENTIER c. FRANCE du 9 mai 2016 requête 40183/07

Non violation de l'article 12 combiné à l'article 14, affaire du mariage annulé de Bègles devant le maire écologiste Noël Mamère. Depuis, la loi Taubira est dans le droit positif. Les requérants peuvent se remarier !

LES FAITS

13. Le 5 juin 2004, malgré cette opposition, le maire de Bègles, en sa qualité officier d’état civil, célébra le mariage des requérants et le transcrivit sur les registres de l’état civil.

14. Le 22 juin 2004, le procureur de la République fit assigner à jour fixe les requérants devant le tribunal de grande instance de Bordeaux en vue de voir prononcer la nullité du mariage.

15. Par jugement du 27 juillet 2004, le tribunal fit droit à cette demande. Il constata que selon le droit français la différence des sexes était une condition du mariage, estima que cette condition ne constituait pas une atteinte aux articles 12, 8 et 14 de la Convention tels qu’interprétés par la Cour et conclut que, si l’évolution des mœurs ou le respect d’un principe d’égalité pouvait conduire à une redéfinition du mariage, cette question devait faire l’objet d’un débat et nécessitait l’intervention du législateur. En conséquence, le tribunal annula le mariage des requérants et ordonna la transcription du jugement en marge de leurs actes de naissance et de l’acte de mariage.

CEDH

36. Dans l’arrêt Schalk et Kopf (§§ 58-63), la Cour a dit que, si l’institution du mariage avait été profondément bouleversée par l’évolution de la société depuis l’adoption de la Convention, il n’existait pas de consensus européen sur la question du mariage homosexuel. Elle a considéré que l’article 12 de la Convention s’appliquait au grief des requérants, mais que l’autorisation ou l’interdiction du mariage homosexuel était régie par les lois nationales des États contractants. Elle a retenu que le mariage possédait des connotations sociales et culturelles profondément enracinées susceptibles de différer notablement d’une société à une autre et rappelé qu’elle ne devait pas se hâter de substituer sa propre appréciation à celle des autorités nationales, mieux placées pour apprécier les besoins de la société et y répondre. Elle a donc conclu que l’article 12 n’imposait pas au gouvernement défendeur l’obligation d’ouvrir le mariage à un couple homosexuel tel que celui des requérants (voir également Gas et Dubois c. France, no 25951/07, § 66 CEDH 2012).

37. La Cour a réitéré cette conclusion dans les récents arrêts Hämäläinen et Oliari et autres précités. Dans l’arrêt Hämäläinen (§ 96), elle a rappelé que l’article 12 consacrait le concept traditionnel du mariage, à savoir l’union d’un homme et d’une femme et que, s’il était vrai qu’un certain nombre d’États membres avaient ouvert le mariage aux partenaires de même sexe, cet article ne pouvait être compris comme imposant pareille obligation aux États contractants.

38. Dans l’arrêt Oliari et autres (§§ 192-194), elle a affirmé que ces conclusions restaient valables malgré l’évolution graduelle des États en la matière, onze États membres du Conseil de l’Europe autorisant désormais le mariage entre personnes de même sexe. Elle a rappelé avoir dit dans l’arrêt Schalk and Kopf que, pas plus que l’article 12, l’article 14 combiné avec l’article 8, dont le but et la portée sont plus généraux, ne pouvait s’interpréter comme imposant aux États contractants l’obligation d’ouvrir le mariage aux couples homosexuels. Elle en a déduit que la même approche était valable pour l’article 12 combiné avec l’article 14 et a rejeté ce grief comme étant manifestement mal fondé (§ 194).

39. La Cour ne voit aucune raison d’arriver à une conclusion différente dans la présente affaire, vu le bref laps de temps écoulé depuis les arrêts qu’elle a rendus dans les affaires Hämäläinen et Oliari et autres. Elle note au surplus que, depuis l’introduction de la requête, la loi du 17 mai 2013 a ouvert le mariage aux couples homosexuels (paragraphe 24 ci-dessus) et que les requérants sont désormais libres de se marier.

40. Il s’ensuit qu’il n’y a pas eu, en l’espèce, violation de l’article 12 combiné avec l’article 14 de la Convention.

Oliari et autres c. Italie du 21 juillet 2015, requêtes nos 18766/11

Violation de l'article 8 mais pas de l'article 12 sur le droit au mariage, l’Italie devrait introduire la possibilité pour les couples homosexuels d’obtenir une reconnaissance juridique par une forme d'union civile.

Les requérants sont trois couples homosexuels : six hommes de nationalité italienne nés entre 1959 et 1976 et résidant en Italie. La CEDH ne reconnaît pas encore le droit au mariage des couples homosexuels. Mais elle juge – comme le montre la situation des requérants – que la protection que prévoit actuellement la loi italienne pour les couples homosexuels non seulement ne répond pas aux besoins fondamentaux d’un couple engagé dans une relation stable, mais aussi qu’elle manque de fiabilité. Une union civile ou un partenariat enregistré constituerait le moyen le plus approprié pour les couples homosexuels, tels ceux des requérants, de voir leur relation reconnue par la loi. La Cour souligne notamment qu’il existe au sein des États membres du Conseil de l’Europe une tendance à la reconnaissance juridique des couples homosexuels puisque 24 des 47 États membres ont adopté une législation permettant pareille reconnaissance, et que la Cour constitutionnelle italienne a appelé à maintes reprises à garantir pareilles protection et reconnaissance. En outre, selon des études récentes, la majorité de la population italienne est favorable à la reconnaissance juridique des couples homosexuels.

L’article 12 (droit au mariage), pris seul et combiné avec l’article 14

La CEDH juge comme dans de précédentes affaires que l’article 12 n’impose pas aux États l’obligation de donner aux couples homosexuels, tels ceux des requérants, la possibilité de se marier. Elle estime que, en dépit de l’évolution progressive des États en la matière – il y a aujourd’hui onze États membres du Conseil de l’Europe qui reconnaissent le mariage homosexuel – les conclusions énoncées dans ces précédentes affaires demeurent pertinentes. Elle déclare dès lors irrecevable le grief tiré de l’article 12, pris seul et combiné avec l’article 14.

Substitut au mariage, union civile au sens de l'article 8

La Cour a déjà jugé dans de précédentes affaires que la relation qu’entretient un couple homosexuel cohabitant de fait de manière stable relève de la notion de « vie familiale » au sens de l’article 8. Elle a également reconnu que les couples homosexuels se trouvent dans une situation comparable à celle des couples hétérosexuels pour ce qui est de leur besoin de reconnaissance juridique et de protection de leur relation (1). Ce besoin a aussi été souligné dans des recommandations émises par l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, textes qui invitent les États membres à envisager d’offrir aux couples homosexuels une forme de reconnaissance juridique.

La Cour considère – comme le montre la situation des requérants – que la protection que prévoit actuellement la loi italienne pour les couples homosexuels non seulement ne répond pas aux besoins fondamentaux d’un couple engagé dans une relation stable, mais aussi qu’elle manque de fiabilité. Lorsqu’existe la possibilité de faire enregistrer les unions homosexuelles auprès des autorités locales – c’est-à-dire seulement dans une faible proportion des municipalités italiennes – celle-ci ne revêt qu’une valeur symbolique et ne confère aucun droit aux couples homosexuels.

Il existe aussi depuis décembre 2013 la possibilité de contracter un « accord de cohabitation », mais pareil accord n’a qu’une portée limitée. Il n’assure pas certains besoins fondamentaux indispensables à la réglementation de la relation existant au sein d’un couple uni de manière stable, comme le soutien matériel mutuel, l’obligation alimentaire et les droits de succession. Le fait que l’accord de cohabitation soit ouvert à toute personne cohabitant avec une autre, comme des amis, des colocataires ou deux personnes dont l’une s’occupe de l’autre, montre que ce type d’accord n’est pas spécialement destiné à protéger les couples. En outre, un tel contrat exige que les personnes vivent sous le même toit, alors que la Cour a déjà admis que l’existence d’une union stable entre partenaires est indépendante de la cohabitation, étant donné que de nombreux couples– qu’ils soient mariés ou aient contracté un partenariat enregistré – connaissent des périodes au cours desquelles ils mènent leur relation tout en vivant éloignés, par exemple pour des raisons professionnelles.

En outre, le gouvernement italien n’a pas prouvé que les juridictions nationales pouvaient émettre une déclaration de reconnaissance d’un partenariat. Étant donné que la loi ne prévoit en termes explicites la reconnaissance d’un partenaire de même sexe que dans des circonstances très limitées, même les questions les plus simples qui se posent dans le cadre d’une relation doivent être réglées par les tribunaux. La Cour considère que la nécessité de s’adresser aux tribunaux de manière répétée pour de telles questions, sachant que le système judiciaire italien est surchargé, revient à entraver de manière importante les efforts accomplis par les requérants pour faire garantir le respect de leur vie privée et familiale. Il s’ensuit qu’il existe un conflit entre la réalité de la vie sociale des requérants, qui vivent pour l’essentiel leur relation ouvertement en Italie, et la loi, qui ne leur accorde aucune reconnaissance officielle. La Cour estime que le respect par l’État italien de l’obligation de reconnaître et de protéger les unions homosexuelles ne ferait pas peser sur lui une charge particulière. En dehors du mariage, la possibilité de conclure une union civile ou un partenariat enregistré constituerait le moyen le plus approprié pour les couples homosexuels tels que ceux des requérants de voir leur relation reconnue par la loi.

La Cour note qu’il existe au sein des États membres du Conseil de l’Europe une tendance à la reconnaissance juridique des couples homosexuels, 24 des 47 États membres ayant adopté une législation permettant pareille reconnaissance.

Les plus hautes juridictions italiennes – en particulier la Cour constitutionnelle, dans son arrêt d’avril 2010 en l’affaire de M. Oliari et M. A. – ont insisté à maintes reprises sur la nécessité d’adopter une loi reconnaissant et protégeant les relations homosexuelles. Cela fait toutefois longtemps que le législateur italien néglige de tenir compte de ces avis. La Cour observe que ces appels émanant des juridictions italiennes trouvent par ailleurs un écho dans le sentiment de la majorité de la population italienne, qui, d’après des études récentes, est favorable à la reconnaissance juridique des couples homosexuels. Le gouvernement italien ne nie pas qu’il faille protéger ces couples par une loi ; il ne plaide par ailleurs pas que l’intérêt général justifie le maintien du statu quo.

Constatant l’absence d’intérêt général à mettre en balance avec l’intérêt des requérants à voir leur relation reconnue juridiquement, la Cour conclut que l’Italie n’a pas respecté l’obligation qui lui incombe de veiller à ce que les requérants disposent d’un cadre juridique spécifique apte à reconnaître et protéger leur union. Pour tirer une autre conclusion, il aurait fallu que la Cour renonce à tenir compte de l’évolution de la situation en Italie et à appliquer la Convention de manière pratique et effective.

2. Schalk et Kopf c. Autriche, no 30141/04, CEDH 2010, et Vallianatos et autres c. Grèce [GC], nos 29381/09 et 32684/09, CEDH 2013.

SCHALF ET KOPF CONTRE AUTRICHE DU 23 JUIN 2010 REQUÊTE 30141/04

Article 12

La Cour examine tout d'abord si le droit au mariage accordé à « l'homme et [à] la femme » aux termes de la Convention est applicable dans le cas des requérants. En ce qui concerne l'argument soulevé par eux selon lequel, dans la société d'aujourd'hui, la procréation n'est plus un élément décisif d’un mariage civil, elle rappelle avoir jugé dans une affaire antérieure que l'incapacité pour un couple de concevoir ou d'élever un enfant ne saurait en soi passer pour le priver du droit au mariage. Cependant, cette conclusion et la jurisprudence de la Cour voulant que la Convention soit interprétée à la lumière des conditions de vie actuelles ne permettent pas de souscrire à la thèse des requérants, qui est que l'article 12 doit être lu comme imposant aux Etats contractants d’ouvrir le mariage aux couples de même sexe.

La Cour constate qu'aucun consensus ne se dégage parmi les Etats membres du Conseil de l'Europe sur la question du mariage homosexuel. En ce qui concerne la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, citée par le Gouvernement autrichien dans ses observations, la Cour note que l’article par lequel elle consacre le droit de se marier ne parle pas de l'homme et de la femme ; par conséquent, ce droit n’est pas limité absolument au mariage entre deux personnes de sexe opposé. Cela étant, la Charte laisse à chaque Etat membre le soin de décider si, dans son ordre juridique, le mariage homosexuel doit être permis. La Cour souligne que les autorités nationales sont mieux placées pour apprécier les besoins sociaux en la matière et pour y répondre, le mariage ayant des connotations sociales et culturelles profondément ancrées qui diffèrent largement d'une société à l'autre.

La Cour en conclut que l'article 12 ne donnait pas obligation à l'Etat autrichien d'ouvrir l’accès au mariage à un couple homosexuel tel que celui des requérants. Elle juge donc, à l’unanimité, qu'il n'y a pas eu violation de cet article.

Article 14 en combinaison avec l'article 8

La Cour examine tout d'abord si la relation d'un couple de même sexe, tel que celui des requérants, non seulement relève de la notion de « vie privée » mais constitue aussi une « vie familiale » au sens de l’article 8. Au cours de la dernière décennie, l'attitude de la société à l'égard des couples de même sexe a évolué rapidement dans bien des pays membres et un nombre considérable d'Etats leur a accordé une reconnaissance légale. La Cour en conclut que la relation des requérants, un couple d’homosexuels qui vit une liaison stable, relève de la notion de « vie familiale », au même titre que la relation d'un couple de sexe opposé dans la même situation.

La Cour a jugé à maintes reprises qu'une différence de traitement fondée sur l'orientation sexuelle devait être justifiée par des motifs particulièrement impérieux. Les couples de même sexe doivent être présumés capables, aussi bien que les couples de sexe différent, d'entretenir des liaisons stables. Ils se trouvent donc dans une situation analogue pour ce qui est de leur besoin de faire reconnaître légalement leurs relations. Cependant, étant donné que la Convention doit être interprétée comme un tout et qu’il a été conclu ci-dessus que l'article 12 ne donnait pas obligation à l'Etat d'ouvrir le droit au mariage aux couples de même sexe, la Cour ne saurait partager la thèse des requérants selon laquelle pareille obligation peut se déduire de l'article 14 en combinaison avec l'article 8.

L'entrée en vigueur en Autriche de la loi sur le concubinage officiel ayant permis aux requérants de faire formellement reconnaître leur relation, la Cour n’a pas à dire si l'absence de tout moyen de reconnaissance légale pour les couples de même sexe constituerait une violation de l'article 14 en combinaison avec l'article 8 dans l’hypothèse où cette situation aurait perduré. Il reste à déterminer si l'Autriche aurait dû donner plus tôt aux intéressés un autre moyen de faire légalement reconnaître leur relation. La Cour constate que si un consensus européen se fait jour quant à la reconnaissance des couples de même sexe, celle-ci n'est pas encore prévue dans une majorité des Etats. Le droit autrichien illustre cette évolution : bien que le législateur autrichien ne soit pas un pionnier, on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir adopté plus rapidement la loi sur le concubinage officiel.

La Cour n'est pas convaincue par l'argument selon lequel, si l’Etat choisit d'accorder aux couples de même sexe une autre forme de reconnaissance, il doit leur conférer un statut analogue sur tous les points au mariage. L'existence de certaines différences notables en matière de droits parentaux entre le concubinage officiel et le mariage reflète pour une large part la tendance au sein d'autres pays membres. En outre, dans le cas présent, la Cour n’a pas à examiner chacune de ces différences en détail. Les requérants n'ayant pas allégué être directement lésés par les restrictions restantes aux droits parentaux, il serait hors de propos en l'espèce d'établir si ces différences sont justifiées.

Au vu de ces constats, la Cour conclut, par quatre voix contre trois, à l'absence de violation de l'article 14 en combinaison avec l'article 8.

LES OBLIGATIONS FINANCIERES ET DE CERTIFICATS

POUR AUTORISER LE MARIAGE D'ÉTRANGERS

O'Donoghue et autres C. Royaume Uni du 14 décembre 2010 REQUÊTE 34848/07

Le certificat obligatoire pour que les étrangers puissent se parier est une violation de l'article 12

Les requérants sont un ressortissant nigérian, Osita Chris Iwu, et trois personnes ayant la double nationalité britannique et irlandaise, Sinead O’Donoghue (épouse de M. Iwu), Ashton Osita Iwu (fils du couple), et Tiernan Robert O’Donoghue (fils de Mme O’Donoghue, issu d’une précédente union). Ils sont nés respectivement en 1974, 1979, 2006 et 2000 et résident à Londonderry (Irlande du Nord). Ils sont catholiques pratiquants.

M. Iwu arriva en Irlande du Nord en 2004, et demanda l’asile en 2006. En novembre 2009, il se vit délivrer une autorisation exceptionnelle de séjour (discretionary leave to remain) valable jusqu’en novembre 2011. Il n’a pas le droit de travailler. Mme O’Donoghue, dont les parents sont handicapés, perçoit des allocations sociales. Elle rencontra M. Iwu en novembre 2004 et le couple s’installa ensemble en décembre 2005. En mai 2006, M. Iwu demanda en mariage Mme O’Donoghue, qui accepta.

En vertu d’un système mis en place au Royaume-Uni en 2005, M. Iwu, en tant qu’individu relevant du contrôle de l’immigration2, devait, pour pouvoir se marier, obtenir soit une autorisation d’entrée expressément délivrée à cet effet, soit un certificat d’admission délivré en vertu de l’article 19 de la loi de 2004 sur l’asile et l’immigration. Pour obtenir ce certificat, il fallait introduire une demande auprès du ministre de l’Intérieur et verser des frais de dossier d’un montant de 295 livres sterling (GBP). De plus, seuls les ressortissants étrangers ayant une autorisation d’entrée ou de séjour d’une durée suffisante (c’est-à-dire une autorisation valable plus de six mois et n’expirant pas moins de trois mois après l’introduction de la demande) pouvaient se voir délivrer un tel certificat. Cependant, ce système ne s’appliquait pas aux couples souhaitant célébrer un mariage religieux devant l’Eglise d’Angleterre.

Ce système fut réformé à la suite de décisions de justice internes rendues en avril 2006 dans lesquelles il était estimé qu’il portait atteinte de manière importante au droit au mariage garanti par la Convention européenne des droits de l’homme. En vertu de la nouvelle procédure, il était possible de demander aux personnes n’ayant pas d’autorisation d’entrée ou de séjour d’une durée suffisante de fournir des informations supplémentaires à l’appui de leur demande afin de convaincre le ministère de l’Intérieur que le mariage envisagé était un véritable mariage.

M. Iwu et Mme O’Donoghue ne purent toutefois pas se marier dans le cadre de ce système réformé, car M. Iwu, ne satisfaisait pas aux critères de délivrance d’un certificat d’admission, n’ayant pas alors d’autorisation de séjour au Royaume-Uni.

Le 19 juin 2007, une troisième version du système fut mise en place. Elle étendait la possibilité d’obtenir un certificat d’admission aux personnes attendant l’issue d’une demande d’autorisation de séjour.

Selon ces critères, M. Iwu pouvait obtenir un certificat ; cependant, il n’avait pas les moyens de s’acquitter des frais correspondants. Il déposa néanmoins un dossier en juillet 2007, en demandant à être exempté du paiement de ces frais et en expliquant à cet égard que, n’ayant pas l’autorisation de travailler, il était sans ressources, et que les seuls revenus de sa compagne étaient une allocation pour personne à charge et une allocation de revenu minimum. Son dossier fut rejeté purement et simplement pour non-paiement des frais, les autorités estimant qu’il ne pouvait bénéficier d’une dérogation.

Le couple obtint finalement un certificat d’admission le 8 juillet 2008, après que des amis les eurent aidés à payer les frais de dossier. Le mariage fut célébré le 18 octobre 2008.

VIOLATION DE L'ARTICLE 12

La Cour rappelle qu’un Etat contractant n’agit pas nécessairement en violation de l’article 12 lorsque, afin d’établir qu’une future union n’est pas un mariage de complaisance, il soumet à des conditions raisonnables la possibilité pour les ressortissants étrangers de se marier.

Cependant, elle juge gravement préoccupant, à plusieurs titres, le système mis en place au Royaume-Uni. Tout d’abord, la décision d’accorder ou non un certificat d’admission n’était pas, au moment des faits, et n’est toujours pas au moment de l’arrêt, fondée exclusivement sur la sincérité des futurs mariés. Ainsi, dans les trois versions de ce système, les requérants dont l’autorisation de séjour est encore valable suffisamment longtemps après le dépôt du dossier sont admissibles à l’obtention du certificat sans qu’il leur soit demandé, semble-t-il, de fournir des informations relatives à l’authenticité du mariage.

Ensuite, la Cour est particulièrement préoccupée par le fait que la première et la deuxième version de ce système interdisaient l’une comme l’autre de manière systématique l’exercice du droit au mariage pour toutes les personnes relevant d’une catégorie particulière (celles qui, comme M. Iwu, n’avaient pas l’autorisation d’entrer sur le territoire), et ce, que le mariage envisagé soit ou non un mariage de complaisance.

Enfin, comme la Chambre des Lords dans les décisions qu’elle a rendues sur la question, la Cour estime que des frais de dossier tellement onéreux qu’un demandeur nécessiteux ne pourrait les payer sont de nature à porter atteinte à la substance même du droit au mariage, en particulier compte tenu du fait que bon nombre de personnes relevant du contrôle de l’immigration n’ont pas la possibilité de travailler au Royaume-Uni (comme c’était le cas de M. Iwu) ou perçoivent des revenus extrêmement faibles. De plus, le système de remboursement des frais de dossier aux demandeurs les plus pauvres, introduit en juillet 2010, n’a pas permis de supprimer l’atteinte à l’article 12, car le fait même de devoir payer des frais de dossier est un obstacle puissant au mariage.

En conclusion, il y a eu violation du droit au mariage du couple requérant – dont il est clair que la relation était ancienne et stable – de mai 2006 (date à laquelle les intéressés ont exprimé le souhait de se marier) au 19 juin 2007 (date d’introduction de la troisième version du système litigieux) en raison du fait que M. Iwu ne pouvait obtenir de certificat d’admission, et du 19 juin 2007 au 8 juillet 2008, en raison du niveau élevé des frais de dossier. Ainsi, il y a eu violation de l’article 12.

INTERDICTION DE SE REMARIER APRÈS UN DIVORCE

Theodorou et Tsotsorou c. Grèce du 5 septembre 2019 requête n° 57854/15

Article 12 : Législation empêchant le mariage entre « anciens » belles-sœurs et beaux-frères, après un divorce : violation du droit au mariage

L’affaire concerne une décision judiciaire portant sur la nullité du mariage de Mme Tsotsorou et M. Theodorou au motif que Mme Tsotsorou était l’ancienne belle-sœur de M. Theodorou. Se fondant sur l’article 1357 du code civil – qui interdit, entre autres, le mariage entre alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré –, les juridictions grecques prononcèrent la nullité du mariage des requérants, 10 ans après la contraction de celui-ci, estimant que les intéressés étaient alliés en ligne collatérale au deuxième degré. La Cour juge en particulier que la reconnaissance de la nullité du mariage des requérants a, d’une manière disproportionnée, restreint le droit des intéressés de se marier à un tel point que ce droit s’est trouvé atteint dans sa substance même.

LES FAITS

Les requérants, Georgios Theodorou et Sophia Tsotsorou, sont des ressortissants grecs nés respectivement en 1951 et 1957. Ils résidant à Koropi (Grèce). En 1971, M. Theodorou se maria avec P.T. dont il eut une fille. En 2001, ce mariage fut dissous par une décision du tribunal de grande instance d’Athènes, qui précisa dans son jugement que les intéressés vivaient en séparation de corps depuis 1996. En 2004, un acte de divorce fut délivré. En 2005, M. Theodorou épousa religieusement la sœur de P.T. (Mme Tsotsorou). L’année suivante, P.T. dénonça ce mariage auprès du parquet, arguant la nullité en raison du lien de parenté par alliance qui aurait uni les deux époux (M. Theodorou et Mme Tsotsorou).

En 2010, le tribunal de grande instance prononça la nullité du mariage sur le fondement de l’article 1357 du code civil grec (CC) qui interdit, entre autres, le mariage entre alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré. Dans sa décision, le tribunal releva que M. Theodorou et Mme Tsotsorou étaient alliés en ligne collatérale au deuxième degré et que le droit grec empêche leur mariage pour des raisons de décence et de respect de l’institution de la famille. L’appel des requérants fut rejeté, et leur mariage fut définitivement annulé le 29 juin 2015 suite au rejet de leur pourvoi par la Cour de cassation.

VIOLATION DE L'ARTICLE 12

La Cour note ce qui suit.

Premièrement, un consensus est dessiné au sein des États contractants du Conseil de l’Europe en matière d’empêchement au mariage des « anciens » belles-sœurs et beaux-frères. En effet, uniquement deux États membres examinés introduisent un tel empêchement (Italie et Saint-Marin) mais cet empêchement n’est pas absolu. La Cour attache une importance particulière à ce consensus européen.

Deuxièmement, les requérants n’ont dû faire face à aucun obstacle avant la contraction de leur mariage et les autorités internes ne s’y sont pas opposées. Par ailleurs, le droit interne prévoit un faisceau d’exigences procédurales avant la contraction d’un mariage. Notamment, les futurs mariés sont tenus de notifier publiquement leur volonté de se marier. Or, des objections n’ont pas été présentées à la suite de la publication de l’annonce du mariage. En effet, P.T. n’a dénoncé le mariage qu’un an et cinq mois environ après la contraction de celui-ci et le procureur a saisi le tribunal de grande instance d’une action sept mois plus tard, soit deux ans après le mariage.

Troisièmement, les autorités compétentes procèdent à un examen des conditions légales pour la contraction du futur mariage et, si elles considèrent que les conditions se trouvent réunies, elles délivrent un permis de mariage. En l’espèce, les autorités compétentes n’ont pas exprimé de doutes quelconques avant de délivrer un tel permis. En effet, la question de la nullité du mariage ne s’est posée qu’a posteriori et les requérants ont joui pendant plus de dix ans tant de la reconnaissance juridique et sociale de leur relation résultant du mariage que de la protection accordée exclusivement aux couples mariés.

Quatrièmement, en ce qui concerne les arguments du Gouvernement concernant « des estimations de nature biologique » et le risque de pratique de confusion, la Cour note que ces problèmes ne se posent pas en l’espèce et qu’il est difficile d’envisager quels sont les estimations de nature biologique et le risque de confusion empêchant le mariage des requérants, à partir du moment où les intéressés ne sont pas parents de sang et n’ont pas d’enfant ensemble. Par ailleurs, concernant l’argument du Gouvernement selon lequel il existerait un besoin social de communication des membres d’une famille avec le monde extérieur, la Cour observe que le Gouvernement ne précise pas comment l’interdiction en cause aurait pu aider ou servir une telle communication.

Cinquièmement, les requérants sont actuellement dépourvus de tous les droits accordés aux couples mariés, dont ils ont pourtant joui pendant dix ans.

Par conséquent, la Cour juge que la reconnaissance de la nullité du mariage des requérants a, d’une manière disproportionnée, restreint le droit des intéressés de se marier à un tel point que ce droit s’est trouvé atteint dans sa substance même.

CEDH

a) Principes généraux

26.  La Cour rappelle que l’article 12 de la Convention garantit le droit fondamental de l’homme et de la femme de se marier et de fonder une famille. Elle rappelle également que l’exercice du droit au mariage emporte des conséquences sociales, personnelles et juridiques, et que l’article 12 de la Convention prévoit expressément que le mariage est régi par les lois nationales. Compte tenu du caractère sensible des choix moraux concernés et de l’importance à attacher en particulier à la protection des enfants et au souci de favoriser la stabilité familiale, la Cour doit se garder de substituer précipitamment son propre jugement à la réflexion des autorités qui sont le mieux placées pour évaluer les besoins de la société et y répondre (B. et L. c. Royaume-Uni, précité, § 36). La question des conditions au mariage posées par les lois nationales ne peut toutefois pas être laissée entièrement à l’appréciation des États contractants : cela reviendrait à conclure que l’éventail des options ouvertes à un État contractant peut aller jusqu’à interdire en pratique l’exercice du droit de se marier. La marge d’appréciation ne saurait être aussi large (Parry c. Royaume-Uni (déc.), no 42971/05, CEDH 2006‑XV). Quelles que soient les limites introduites, elles ne doivent pas restreindre ou réduire ce droit d’une manière ou à un degré qui l’atteindraient dans sa substance même (Rees, précité, § 50, F. c. Suisse, précité, § 32, et B. et L. c. Royaume-Uni, précité, § 34).

b) Application des principes en l’espèce

27.  En la présente espèce, la Cour observe que les requérants, qui vivent ensemble, ont une relation permanente et de longue date. Elle relève que, mariés depuis le 28 mai 2005, les intéressés ont vu leur mariage définitivement annulé le 29 juin 2015, et qu’ils vivent toujours ensemble sans toutefois jouir de la reconnaissance officielle de leur relation.

28.  Se tournant vers le contexte prévalant en Grèce concernant l’empêchement au mariage en cause, la Cour observe que l’article 1357 du CC interdit le mariage entre alliés en ligne collatérale et jusqu’au troisième degré. Elle note que cette interdiction subsiste lorsque le mariage dont résulte l’alliance a été annulé ou dissous car, en vertu de l’article 1462 du CC, dans un tel cas de figure, l’alliance en ligne collatérale continue à exister. Elle relève que c’est sur la base de ces articles que les juridictions internes ont déclaré en l’espèce la nullité du mariage des requérants. Celles‑ci ont considéré, en particulier, que l’interdiction en cause servait la décence et le respect de l’institution de la famille que le législateur national avait l’intention de protéger et qu’il s’agit, sans aucun doute, de buts légitimes. Elle indique que, dans ses observations, le Gouvernement déclare notamment qu’en introduisant l’empêchement au mariage en cause le législateur visait, en premier lieu, à protéger des perceptions de nature éthique, qui selon lui imposent que les proches, qui cohabitent souvent sous le même toit ou qui communiquent régulièrement, ne se marient pas entre eux, et, en second lieu, à éviter le risque de confusion tant du lien et du degré de parenté que des générations. La Cour rappelle à cet égard que, en règle générale, des limitations qui concernent la capacité de contracter un mariage, le consentement, la consanguinité ou la prévention de la bigamie sont susceptibles d’être compatibles avec l’article 12 de la Convention (O’Donoghue et autres c. Royaume-Uni, no 34848/07, § 83, CEDH 2010 (extraits)). D’autres interdictions empêchant le mariage entre adultes consentants et juridiquement capables pourraient donc soulever des problèmes à l’égard de cet article.

29.  La Cour constate que, dans la présente affaire, l’empêchement en cause n’a pas servi à prévenir, à titre d’exemple, ni une confusion éventuelle ou une insécurité émotionnelle de la fille du requérant issue de son mariage avec P.T., ni une confusion du lien ou du degré de parenté (voir, mutatis mutandis, B. et L. c. Royaume‑Uni, précité, § 38).

30.  Au demeurant, la Cour note qu’il s’avère qu’un consensus est dessiné au sein des États contractants du Conseil de l’Europe en matière d’empêchement au mariage des (anciens) belles-sœurs et beaux-frères. En effet, selon les informations disponibles, uniquement deux des États membres examinés introduisent un tel empêchement au mariage. Qui plus est, cet empêchement n’est pas absolu (paragraphe 19 ci-dessus). La Cour attache une importance particulière à ce consensus européen, concernant l’absence d’empêchement absolu de mariage entre anciens belles-sœurs et beaux-frères, consensus qui a un impact certain sur son analyse des différents intérêts en jeu dans la situation litigieuse (voir mutatis mutandis, Vallianatos et autres c. Grèce [GC], nos 29381/09 et 32684/09, § 91, CEDH 2013 (extraits)).

31.  La Cour note en outre que les requérants se sont mariés le 28 mai 2005 et qu’ils n’ont dû faire face à aucun obstacle avant la contraction de leur mariage. En effet, à la suite de la délivrance de l’acte de divorce entre le requérant et P.T., le 20 juillet 2004, les requérants ont procédé à leur mariage religieux sans entraves et les autorités internes compétentes ne s’y sont pas opposées. Leur mariage a, du reste, duré pendant une période considérable. La Cour observe par ailleurs que le droit interne prévoit un faisceau d’exigences procédurales avant la contraction d’un mariage. À titre d’exemple, en vertu de l’article 1369 du CC, les futurs mariés sont, en premier lieu, tenus de notifier publiquement leur volonté de se marier, soit par affichage à la mairie ou au bureau de la communauté, soit, s’ils résident dans une grande ville, par la publication d’une annonce dans un journal quotidien. La Cour relève à cet égard qu’il ne ressort pas du dossier que, à la suite de la publication de cette annonce par les requérants, P.T. ou une autre personne aient présenté des objections quant au mariage des intéressés. En effet, elle note que P.T. n’a dénoncé le mariage en cause au procureur qu’un an et cinq mois environ après la contraction de celui-ci et que le procureur, quant à lui, a saisi le tribunal de grande instance d’une action sept mois plus tard, soit deux ans après le mariage des requérants.

32.  La Cour relève ensuite que, selon l’article 1370 du CC, les autorités compétentes procèdent à un examen des conditions légales pour la contraction du futur mariage et que, si elles considèrent que ces conditions se trouvent réunies, elles délivrent un permis de mariage. En l’espèce, aucun élément du dossier ne permet de constater que les autorités compétentes ont exprimé des doutes quelconques avant de délivrer ce permis.

33.  La Cour observe ainsi que la question de la nullité du mariage des requérants ne s’est posée qu’a posteriori. Jusqu’au 29 juin 2015, date à laquelle la Cour de cassation a rejeté le recours en cassation des requérants, le mariage de ceux-ci était de facto en vigueur et produisait tous ces effets. Il s’ensuit que les requérants ont joui, pendant plus de dix ans, tant de la reconnaissance juridique et sociale de leur relation résultant du mariage que de la protection accordée exclusivement aux couples mariés. La Cour a noté à cet égard l’argument du Gouvernement sur la nécessité de protéger, à titre d’exemple, « les perceptions plus larges de nature éthique ». Elle observe cependant que le Gouvernement n’a pas expliqué quels seraient les problèmes d’ordre « éthique » posés concrètement par la situation litigieuse surtout lorsque, comme en l’espèce, il s’agit d’une situation bien établie depuis des années.

34.  La Cour a examiné les autres arguments du Gouvernement, à savoir que « des estimations de nature biologique » et le risque pratique de confusion ont conduit le législateur à introduire l’empêchement au mariage en cause. Toutefois, elle note que ces problèmes ne se posent pas en l’espèce. En effet, il est difficile d’envisager quels sont les estimations de nature biologique et le risque de confusion empêchant le mariage des requérants, à partir du moment où les intéressés ne sont pas parents de sang et n’ont pas d’enfant ensemble. En ce qui concerne enfin l’argument du Gouvernement selon lequel il existerait un besoin social de communication des membres d’une famille avec le monde extérieur, la Cour observe, encore une fois, que le Gouvernement ne précise pas comment l’interdiction en cause aurait pu aider ou servir une telle communication.

35.  La Cour rappelle qu’elle a déjà constaté que le mariage est largement reconnu comme conférant un statut et des droits particuliers à ceux qui s’y engagent (Burden c. Royaume-Uni [GC], no 13378/05, § 63, CEDH 2008, et Joanna Shackell c. Royaume-Uni (déc.), no 45851/99, 27 avril 2000). La protection du mariage constitue en principe une raison importante et légitime pouvant justifier une différence de traitement entre couples mariés et couples non mariés (Şerife Yiğit c. Turquie [GC], no 3976/05, § 72, 2 novembre 2010) et le mariage lui-même se caractérise par un ensemble de droits et d’obligations qui le différencient nettement de la situation d’un homme et d’une femme vivant ensemble (Nylund c. Finlande (déc.), no 27110/95, CEDH 1999‑VI, et Lindsay c. Royaume‑Uni (déc.) no 11089/84, 11 novembre 1986). Aussi les États jouissent-ils d’une certaine marge d’appréciation quand ils prévoient un traitement différent selon qu’un couple est marié ou non, notamment dans des domaines qui relèvent de la politique sociale et fiscale, par exemple en matière d’imposition, de pension et de sécurité sociale (voir, mutatis mutandis, Burden c. Royaume-Uni, précité, § 65). En l’espèce, il apparait que les requérants sont actuellement dépourvus de tous les droits accordés aux couples mariés, dont ils ont pourtant joui pendant dix ans.

36.  Eu égard à ce qui précède, la Cour conclut que, dans les circonstances de l’espèce, la reconnaissance de la nullité du mariage des requérants a, d’une manière disproportionnée, restreint le droit des intéressés de se marier à un tel point que ce droit s’est trouvé atteint dans sa substance même. Il y a donc eu violation de l’article 12 de la Convention.

F contre Suisse du 18/12/1987 Hudoc 75 requête 11329/85

Le requérant a subi une décision prononçant son divorce pour faute en date du 21 décembre 1983 avec interdiction de se remarier pendant une période de trois ans pour lui laisser le temps de réfléchir!

La C.E.D.H a constaté qu'il y avait disproportion entre le but poursuivi et l'ingérence représentée par cette interdiction de trois ans.

Partant, il y a violation de l'article 12 de la Convention.

INTERDICTION DE SE REMARIER POUR UNE PERSONNE EN CURATELLE

DELECOLLE c. FRANCE du 25 octobre 2018 Requête n° 37646/13

Un exemple type de négociation entre la France et la CEDH. Celle-ci déclare irrecevable la requête contre la requérante, alors que maîtresse de la qualification, elle pourrait requalifier les griefs, au sens de l'article 8 de la convention. En contrepartie, le même jour, la secrétaire d'État Sophie Cluzel et le Premier ministre Edouard Philippe présentent, dans le cadre d'un comité interministériel, les mesures du gouvernement en faveur des personnes handicapées. Parmi les priorités de l'exécutif figure l'extension du droit de vote aux personnes sous tutelle, ainsi que la possibilité de se marier sans l'accord d'un juge.

La requérante poursuit le recours en qualité de concubine. Elle est reconnue par la CEDH. Le requérant qui n'a pas eu le droit de se marier est décédé.

47. Le requérant soutient que la liberté du mariage est une liberté fondamentale, garantie par l’article 12 de la Convention et l’article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques.

57. Par ailleurs, contrairement à l’article 8, qui énonce le droit au respect de la vie privée et familiale, et avec lequel le droit « de se marier et de fonder une famille » a des liens étroits, l’article 12 ne prévoit aucun motif admissible d’ingérence par l’État comme ceux qui peuvent être invoqués sous l’angle du paragraphe 2 de l’article 8 pour autant que l’ingérence soit « prévue par la loi » et qu’elle soit « nécessaire dans une société démocratique » pour parvenir au but légitime recherché, tel que par exemple « la protection de la santé ou de la morale » ou « la protection des droits et libertés d’autrui ». Partant, lorsqu’elle examine une affaire sous l’angle de l’article 12, la Cour n’applique pas les critères de « nécessité » ou de « besoin social impérieux » utilisés dans le cadre de l’article 8, mais elle doit déterminer si, compte tenu de la marge d’appréciation de l’État, l’ingérence litigieuse était arbitraire ou disproportionnée (Frasik, précité, § 90).

66. Compte tenu de ce qui précède, au vu des circonstances de l’espèce et de la marge d’appréciation dont disposaient les autorités internes, la Cour estime que les limitations apportées aux droits du requérant de se marier n’ont pas restreint ou réduit ce droit d’une manière arbitraire ou disproportionnée. Partant, il n’y a pas eu de violation de l’article 12 de la Convention.

RECEVABILITÉ

39. La Cour relève d’emblée que la question qu’elle est appelée à examiner ne concerne ni la perte de la qualité de victime en raison du redressement du grief par les autorités internes, comme ce fut le cas dans l’affaire Kurić et autres (précitée) invoquée par le Gouvernement, ni la qualité d’un tiers pour introduire une requête devant la Cour au nom d’une personne décédée, ce qui suppose alors notamment d’examiner la question des griefs transférables ou non. En l’espèce, elle doit se prononcer sur une autre hypothèse, à savoir la poursuite de la requête introduite par le requérant initial, en sa qualité de victime directe, après son décès en cours de procédure devant la Cour.

40. La Cour rappelle que, dans plusieurs affaires où un requérant était décédé pendant la procédure, elle a pris en compte la volonté de poursuivre celle-ci exprimée par des héritiers ou parents proches (voir, par exemple, Deweer c. Belgique, 27 février 1980, §§ 37-38, série A no 35, X c. Royaume‑Uni, 5 novembre 1981, § 32, série A no 46, Vocaturo c. Italie, 24 mai 1991, § 2, série A no 206-C, G. c. Italie, 27 février 1992, § 2, série A no 228-F, Pandolfelli et Palumbo c. Italie, 27 février 1992, § 2, série A no 231-B, X c. France, 31 mars 1992, § 26, série A no 234-C, et Raimondo c. Italie, 22 février 1994, § 2, série A no 281-A), ou l’existence d’un intérêt légitime revendiqué par une personne désireuse de maintenir la requête (Malhous c. République tchèque (déc.) [GC], no 33071/96, CEDH 2000‑XII).

41. À l’inverse, la Cour a pour pratique de rayer les requêtes du rôle lorsqu’aucun héritier ou parent proche ne veut poursuivre l’instance (voir, parmi d’autres, Scherer c. Suisse, arrêt du 25 mars 1994, §§ 31-32, série A no 287, et Thévenon, précitée). Il en va de même lorsque la demande de poursuite de la procédure est présentée par une personne ne justifiant ni de sa qualité d’héritière ou de parent proche, ni de l’existence d’un intérêt légitime (Léger c. France [GC], no 19324/02, § 50, 30 mars 2009).

42. En l’espèce, ce n’est pas l’un des héritiers qui souhaite maintenir la requête devant la Cour. En fait, M.S. a été la compagne du requérant pendant une période d’environ huit ans, et ce jusqu’au décès de celui‑ci. Par ailleurs, ni leur relation ni l’intention de se marier qui les animaient ne sont contestées. Or, la Cour rappelle qu’un couple qui vit ensemble depuis de nombreuses années, à l’instar du requérant et de M.S., constitue une « famille » aux fins de l’article 8 de la Convention et a droit à la protection offerte par cette clause, bien que la relation se situe hors mariage (Johnston et autres c. Irlande, 18 décembre 1986, § 56, série A no 112, Velikova c. Bulgarie (déc.), no 41488/98, 18 mai 1999, et Elsholz c. Allemagne [GC], no 25735/94, § 43, CEDH 2000-VIII). Elle constate ensuite que M.S. demande le maintien d’une requête dont l’objet porte précisément sur l’impossibilité pour le requérant de l’épouser, en raison du refus opposé à ce mariage par les juges internes.

43. Enfin, comme la Cour l’a indiqué dans la décision Malhous précitée, les affaires relevant du domaine des droits de l’homme portées devant elle présentent généralement aussi une dimension morale, qui doit être prise en compte lorsqu’il s’agit de décider si l’examen d’une requête doit être poursuivi après la mort du requérant – tel est a fortiori le cas lorsque la question centrale soulevée par la cause dépasse la personne et les intérêts du requérant (voir également Karner c. Autriche, no 40016/98, § 25, CEDH 2003-IX). La Cour estime que l’objet de la présente requête, à savoir les limitations au droit de se marier pour des personnes placées sous un régime de protection légal, soulève une question importante d’ordre général qui dépasse la personne et les intérêts du requérant initial, dans la mesure où elle peut toucher d’autres personnes (cf., mutatis mutandis, Malhous, précitée).

44. La Cour considère dès lors que ne sont pas remplies, en l’espèce, les conditions permettant de rayer une affaire du rôle, telles qu’elles sont définies à l’article 37 § 1 de la Convention, et qu’il y a lieu de poursuivre l’examen de la requête sur la base de l’article 37 § 1 in fine. Elle rejette en conséquence la demande de radiation présentée par le Gouvernement. Pour des raisons d’ordre pratique, le présent arrêt continuera d’utiliser le terme « requérant » même si cette qualité est désormais attribuée, non plus à Roger Delecolle mais à sa compagne, M.S. (voir, par exemple, Dalban c. Roumanie [GC], no 28114/95, § 1, CEDH 1999‑VI, et Ergezen c. Turquie, no 73359/10, § 30, 8 avril 2014).

ARTICLE 12

54. La Cour rappelle que l’article 12 garantit le droit fondamental, pour un homme et une femme, de se marier et de fonder une famille. L’exercice de ce droit emporte des conséquences sociales, personnelles et juridiques. Il obéit tant pour la procédure que pour le fond aux lois nationales des États contractants, mais les limitations en résultant ne doivent pas le restreindre ou le réduire d’une manière ou à un degré qui l’atteindraient dans sa substance même (F. c. Suisse, 18 décembre 1987, § 32, série A no 128, Christine Goodwin, précité, § 99, et Frasik, précité, § 88).

55. En conséquence, la question des conditions requises pour se marier dans les différentes législations nationales ne relève pas entièrement de la marge d’appréciation des États contractants. Si tel était le cas, ceux-ci pourraient, s’ils le désiraient, interdire complètement en pratique l’exercice du droit au mariage. La marge d’appréciation ne peut être aussi étendue (ibidem).

56. Les organes de la Convention ont cependant admis que les limitations du droit au mariage posées dans les législations nationales pouvaient comprendre des règles de forme, mais également des dispositions de fond reposant sur des considérations généralement reconnues d’intérêt public, en particulier en matière de capacité (Frasik, précité, § 89).

57. Par ailleurs, contrairement à l’article 8, qui énonce le droit au respect de la vie privée et familiale, et avec lequel le droit « de se marier et de fonder une famille » a des liens étroits, l’article 12 ne prévoit aucun motif admissible d’ingérence par l’État comme ceux qui peuvent être invoqués sous l’angle du paragraphe 2 de l’article 8 pour autant que l’ingérence soit « prévue par la loi » et qu’elle soit « nécessaire dans une société démocratique » pour parvenir au but légitime recherché, tel que par exemple « la protection de la santé ou de la morale » ou « la protection des droits et libertés d’autrui ». Partant, lorsqu’elle examine une affaire sous l’angle de l’article 12, la Cour n’applique pas les critères de « nécessité » ou de « besoin social impérieux » utilisés dans le cadre de l’article 8, mais elle doit déterminer si, compte tenu de la marge d’appréciation de l’État, l’ingérence litigieuse était arbitraire ou disproportionnée (Frasik, précité, § 90).

58. La Cour rappelle tout d’abord que les curatélaires ne sont pas privés du droit de se marier. En revanche, leur mariage est soumis à une autorisation préalable, en raison de la restriction que subit leur capacité juridique, ce qui constitue l’un des motifs de fond dont la pertinence est reconnue par la jurisprudence.

59. Elle note qu’en l’espèce le placement sous curatelle du requérant répond aux exigences posées par la jurisprudence de la Cour (voir Lashin c. Russie, no 33117/02, § § 80‑81, 22 janvier 2013). En effet, l’ouverture de cette mesure a été précédée de deux expertises médicales. De plus, si le requérant a formé un recours devant le TGI à l’encontre de son placement sous curatelle, qui l’a rejeté le 18 décembre 2009, il n’a pas formé de pourvoi en cassation (paragraphe 9 ci‑dessus).

60. Quant à la décision ultérieure par laquelle le requérant s’est vu refuser le droit de se marier, elle a tout d’abord été prise par la curatrice, et ce après audition tant du requérant que de M.S. (paragraphe 11 ci‑dessus). La juge des tutelles s’est ensuite prononcée après, d’une part, une enquête sociale qui a souligné l’existence d’un enjeu financier au centre d’un conflit familial important, dans lequel l’intérêt et le bien‑être du requérant semblait avoir peu de place et, d’autre part, un examen psychiatrique (paragraphes 12 à 17 ci‑dessus). Le psychiatre désigné par la juge a conclu à l’existence de troubles intellectuels et, tout en constatant la capacité du requérant à consentir à son mariage, il l’a estimé incapable de maîtriser les conséquences de son consentement au niveau de ses biens et de ses finances.

61. La Cour note que, sur la base de ces deux rapports et de l’audition du requérant, la juge des tutelles n’a pas accordé au requérant le droit de se marier, jugeant ce projet contraire à son intérêt. Elle relève en outre que la décision rendue le 24 juin 2010 est amplement motivée et que le requérant a pu interjeter appel de ce jugement. L’arrêt de la cour d’appel de Paris, également motivé, a été rendu après une audience au cours de laquelle le requérant, présent et accompagné de son conseil, a pu exposer ses arguments.

62. Elle relève que le requérant s’est ensuite pourvu en cassation, tout en usant de la faculté de poser une QPC concernant l’atteinte alléguée au principe de la liberté du mariage, en raison de l’autorisation nécessaire du curateur ou, à défaut, à celle du juge des tutelles pour un majeur sous curatelle. Dans sa décision du 29 juin 2012, le Conseil constitutionnel a relevé que l’article 460, alinéa 1, du code civil, n’interdit pas le mariage, mais qu’il le permet, avec l’autorisation du curateur susceptible de recours juridictionnels soumis à débat contradictoire. Il a conclu qu’eu égard aux obligations personnelles et patrimoniales qui en résultent, le mariage est un acte important de la vie civile et que les restrictions à la liberté du mariage n’y portaient pas une atteinte disproportionnée (paragraphe 20 ci-dessus). Quant à la Cour de cassation, elle a rejeté le pourvoi du requérant, d’une part, en citant la décision du Conseil constitutionnel et, d’autre part, en jugeant que la cour d’appel de Paris avait légalement justifié sa décision par l’analyse des différentes pièces du dossier lui ayant permis d’en déduire que le requérant n’était pas en mesure de donner un consentement éclairé à son mariage (paragraphe 21 ci-dessus).

63. La plupart des violations de l’article 12 de la Convention précédemment constatées par la Cour concernaient des individus jouissant de leur pleine capacité juridique (voir, notamment, F., précité, B. et L. c. Royaume-Uni, no 36536/02, 13 septembre 2005, ou encore O’Donoghue et autres c. Royaume-Uni, no 34848/07, CEDH 2010). Aux yeux de la Cour, si le droit du requérant de se marier a été restreint par les autorités nationales, sa situation est donc différente, dès lors que la présente affaire concerne une autre hypothèse, à savoir une restriction visant une personne ne bénéficiant pas de l’entière capacité juridique.

64. La Cour considère que tant les dispositions légales litigieuses que le refus opposé, en l’espèce, au requérant, relèvent de la marge d’appréciation dont dispose le gouvernement défendeur. En effet, contrairement aux situations dans lesquelles des personnes se verraient privées en toutes circonstances du droit de se marier (voir, par exemple, Christine Goodwin, précité, § 103), l’obligation pour le requérant de solliciter une autorisation préalable à son mariage était motivée par le fait qu’il faisait l’objet d’une mesure de protection légale, étant placé sous le régime de la curatelle renforcée. Les autorités disposaient dès lors d’une marge d’appréciation, afin d’être en mesure de le protéger effectivement au regard des circonstances, et ainsi anticiper les conséquences susceptibles d’être préjudiciables à ses intérêts. Quant à l’article 460, alinéa 1, du code civil, la Cour constate qu’il préserve en réalité le droit de se marier, comme l’a confirmé le Conseil constitutionnel. Il est vrai que certaines limitations sont prévues. La Cour note toutefois que ces dernières sont encadrées, avec l’existence de recours permettant de soumettre les restrictions au droit de se marier à un contrôle juridictionnel, dans le cadre d’un débat contradictoire. Tel fut le cas pour le requérant en l’espèce, puisqu’il a exercé les recours prévus en droit interne et qu’il a pu présenter contradictoirement ses arguments pour contester la décision litigieuse (paragraphes 62-63 ci‑dessus). En outre, ainsi que l’a fait valoir le Conseil Constitutionnel, le régime de curatelle a pour finalité l’intérêt de la personne protégée et favorise, dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci (décision no 2012-260 QPC, précitée, § 5).

65. Enfin, concernant l’argument du requérant tiré de la possibilité pour un curatélaire de conclure librement un PACS, à la différence du mariage (paragraphe 50 ci-dessus), la Cour constate, d’une part, que la question de la conclusion d’un PACS, dont le régime diffère du mariage, est étrangère aux faits de l’espèce et, d’autre part, qu’en tout état de cause le droit interne conditionne la conclusion d’un tel pacte à l’assistance du curateur (paragraphe 33 ci-dessus).

66. Compte tenu de ce qui précède, au vu des circonstances de l’espèce et de la marge d’appréciation dont disposaient les autorités internes, la Cour estime que les limitations apportées aux droits du requérant de se marier n’ont pas restreint ou réduit ce droit d’une manière arbitraire ou disproportionnée. Partant, il n’y a pas eu de violation de l’article 12 de la Convention.

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